De « Noël ensemble » au Hang’ART : il n’y a qu’un pas

Après plusieurs éditions du réveillon de Noël solidaire, les membres de Stand’UP ont souhaité créer un lieu permettant de revivre ces moments particuliers au quotidien.

Micheline a 63 ans. Célibataire, sans enfant, retraitée depuis trois années, elle s’apprête à passer un nouveau réveillon de Noël seule. Mais au détour d’un passage à la boulangerie, Micheline pose son regard sur une affiche « Noël ensemble ». Un appel téléphonique plus tard, cette Agenaise sait qu’elle ne passera pas ce Noël seule une nouvelle fois. Elle le fêtera en présence de l’association Stand’UP où elle pourra même donner un coup de main. « La solitude est quelque chose qui peut toucher tout le monde. L’argent n’entre pas en ligne de compte face à cela. On peut avoir des moyens financiers importants et être seul pour autant » explique-telle après un réveillon réussi. Cette déclaration qui raisonne comme une forme de constat, est ancrée dans l’esprit des membres de l’association Stand’UP depuis 2010. A chaque réveillon de Noël, elle prend un écho particulier, de plus en plus fort. La solitude ne se cantonne pas seulement à Noël, elle est une souffrance tout au long de l’année. Et quatre évènements par an, pour partager, pour se retrouver, ce n’est plus suffisant. La réalité de cette souffrance, les porteurs du projet du Hang’ART en ont fait un leitmotiv, une injonction à agir.

Comprendre avant d’agir

Depuis 2014, les membres de Stand’UP ont cherché à saisir davantage ce sentiment de solitude, à mieux comprendre le territoire Agenais. Pour cela, les bénévoles ont réalisé une étude de contexte avec l’aide de jeunes en service civique. Là encore, le constat est sans appel : la solitude et l’isolement touchent de plus en plus de monde, peu importe le milieu social ou les revenus. Agen n’échappe pas à cette réalité. En 2010, selon l’Insee, près de la moitié de la population agenaise déclarait vivre seule (personnes âgées, familles monoparentales, étudiants). Si cela ne renvoie pas systématiquement à une vie sociale faite de peu d’échanges et de rencontres, certains sont néanmoins dans cette situation délicate. Et bien souvent, la précarité renforce l’isolement car de plus en plus de personnes s’interdisent aujourd’hui d’avoir une vie sociale en raison de leurs faibles moyens financiers. Même dans les familles où les personnes sont en activité professionnelle, le budget «loisirs et sorties » est la variable d’ajustement pour faire face aux charges quotidiennes.

La vocation du Hang’ART est d’encourager la mixité entre les générations et les cultures. L’ambition de ce lieu est de briser la solitude et les préjugés (au moins) le temps d’un café, d’un repas ou d’une animation, tout en favorisant son accès à toutes les bourses. Le principe de libre participation, qui y sera développé, évite toute forme d’exclusion sociale et favorise la mixité entre les personnes. Dans sa construction, le Hang’ART s’est ainsi développé autour de cette volonté de permettre de rompre la solitude, en créant des espaces de partage et de rencontre privilégié, un véritable lieu de vie participatif. Le Hang’ART souhaite être un catalyseur d’échanges de savoir et de savoir-faire. En son sein, des espaces seront dédiés pour permettre la mise en place d’ateliers, de sensibilisations et autres moments d’échanges (conférences, débats, etc). Dans cet esprit d’ouverture, le Hang’ART permettra aux associations locales et aux structures partenaires de s’investir dans ce lieu pour y organiser les évènements qu’elles souhaitent.

En termes de lieu d’implantation, le centre d’Agen s’est imposé rapidement comme le lieu idoine. Proche de l’hyper-centre, à deux pas du Lycée Bernard Palissy et des quartiers où la solitude et la précarité sont les plus présentes, le Hang’ART a ainsi trouvé son écrin boulevard Édouard Lacour.

 

Interview : de l’idée à l’action, le Hang’ART prend vie.

Les bénévoles de Stand’UP portent le projet du Hang’ART avec passion et ambition. Retour sur la genèse de ce projet d’envergure.

Pouvez-vous présenter brièvement Stand’UP ?

Depuis sa création, en juin 2010, Stand’UP a développé des projets de proximité afin de répondre au mieux aux attentes des participants : après-midi jeux de société, tournois sportifs,  concerts, réveillons de Noël, etc. Au cœur de chaque évènement : l’échange et la convivialité.

Quel est le lien entre Stand’UP et le Hang’ART ?

Les bénévoles et les bénéficiaires ont exprimé de plus en plus nettement le besoin de mettre en place des temps d’échanges plus réguliers. Ils ont manifesté le souhait de se retrouver au-delà des temps d’animations proposés par Stand’UP. Or l’association ne dispose pas de local, ce qui limite grandement sa capacité à élargir ses actions à destination du grand public.

De ce constat est donc née l’idée du Hang’ART?

En faisant le bilan des événements ponctuels organisés par Stand’UP, nous sommes arrivés à un double constat : d’une part celui des limites de l’association et de l’autre celui des attentes émanant des adhérents et des bénéficiaires. L’idée d’ouvrir un Café-Restaurant a ainsi germé pour que Stand’UP puisse proposer un lieu de rencontres, d’échange et de partage dans la durée. Ce lieu permettra de poursuivre les liens créés lors des manifestations ponctuelles de l’association.

Combien de temps s’est-il écoulé entre l’idée du Hang’Art et sa concrétisation?

La première fois que le projet a été débattu en présence de tous les adhérents, c’était lors de l’Assemblée Générale de l’association Stand’UP en juin 2014. L’idée a immédiatement motivé l’équipe. Face aux questions que chacun se posait, la nécessité de se renseigner, de creuser, d’analyser ce qui se faisait ailleurs pour alimenter la réflexion s’est imposée.

Vous avez réalisé une sorte d’étude de marché…

Oui nous avons mis en place un questionnaire qui a été diffusé auprès de 500 personnes sur l’Agenais avec l’aide de jeunes en service civique missionnés pour l’occasion. Les résultats ont été présentés lors de l’assemblée générale suivante, en 2015. Ils ont en quelque sorte confirmé ce que l’on avait pu percevoir au fil du temps et des événements proposés par l’association. De nouvelles questions sont apparus notamment sur la manière de gérer une activité commerciale avec des salariés et un projet associatif porté par des bénévoles. La formule « café-restaurant solidaire » semblait être une réponse. Il ne restait plus qu’à mettre cette idée en musique.

C’est lors de l’Assemblée Générale de l’association Stand’UP en 2016 que les adhérents ont confirmé le lancement opérationnel du projet : dépôt de dossiers de subventions, structuration juridique du projet, réalisation de budgets prévisionnels, d’échéanciers, des fiches de poste, etc.

Financièrement, comment le projet s’est-il structuré ?

Fin 2016, nous obtenons une première subvention. Fort de ce soutien, nous sommes partis à la recherche de mécènes. Plusieurs fondations, entreprises locales et collectivités territoriales nous ont rejoint depuis.

En quoi le Hang’Art est-il différent des autres cafés-restaurants ?

Le Hang’ART n’a pas pour ambition ni pour vocation d’être un café restaurant comme les autres. L’un de nos premiers souhaits est que ce lieu permette à tout un chacun de s’offrir, de temps en temps, une sortie au restaurant sans que l’argent soit un frein. Pour l’ensemble de l’équipe porteuse du projet c’était un élément indispensable. Cette volonté a permis de dresser les contours de ce que serait le Hang’ART.

Pourquoi cette idée était-elle aussi important pour vous ?

Nous avons tous autour de nous des gens pour qui une sortie au restaurant représente quelque chose d’inaccessible en termes de budget. On ne parle pas de fast-food mais bel et bien de restaurant. Une sortie au restaurant est devenu hors de portée pour beaucoup et c’est d’ailleurs le premier budget sur lequel on rogne lorsque l’on éprouve des difficultés financières. Mais nous ne voulions pas faire de l’assistanat. Il a donc été décidé de créer un lieu où les moyens financiers ne seraient pas un frein tout en favorisant l’implication des bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle, les bénéficiaires sont invités à s’impliquer en retour dans la gestion du Hang’ART et dans l’organisation des animations. Dans le cadre de ce projet, nous cherchons à toucher des personnes qui se rendent peu au restaurant mais pas uniquement. Ceux qui ont plus l’habitude d’y aller pourront découvrir un lieu où la cuisine sera quelque peu originale. En fin, nous souhaitons accueillir les personnes qui souffrent de la solitude, tout comme celles qui en souffrent moins mais qui pourront bénéficier avec le Hang’ART d’un lieu de rencontres et d’échanges.

L’autre leitmotiv du Hang’ART est d’accueillir des personnes qui souffrent de solitude. Comment allez-vous les attirer ?

Et puis, il y a le second volet, celui de la solitude. Aller au restaurant pour manger seul n’est pas une chose que tout le monde ose. Certains se privent parce qu’ils vivent cette solitude de manière douloureuse. Au Hang’ART, nous avons créé une grande salle avec une table de plus de quatre mètres de long pour permettre aux clients de se retrouver et de manger ensemble, même s’ils ne se connaissent pas. Pour créer du lien, il y a aussi tout le programme d’animations avec les ateliers, les conférences, les temps de débats qui sont autant d’occasion d’échanger. Bien plus qu’un restaurant, le Hang’ART a vocation à devenir un véritable lieu de vie et de partage.

Aujourd’hui, le Hang’ART est soutenu par XX partenaires. Comment expliquez-vous qu’autant de partenaires financiers aient décidé de soutenir le projet?

La solitude est un enjeu majeur dans notre société. En France, il existe de nombreuses structures capables de gérer la solitude pour les personnes ou les familles en situation de précarité. Or, la solitude n’est pas une question de revenue. Nous cherchions à développer un outil qui parle à tous, quelle que soit leur situation économique.

Nous sommes dans une société où la communication n’a jamais été aussi présente, aussi rapide, et ce à l’échelle de la planète. Alors que les échanges sur les réseaux sociaux se multiplient, le sentiment de solitude s’amplifie. Le besoin de véritables relations, de conversation qui font sens se fait de plus en plus ressentir. Le constat c’est que les gens semblent moins bien communiquer et dressent beaucoup de préjugés les uns envers les autres. On le voit sur la question du fait religieux, de la précarité ou du chômage. Mais quand on met des gens de différents horizons autour d’une table, qu’ils arrivent à discuter, alors beaucoup de préjugés s’effacent d’eux-mêmes. Ce sont ce type d’échanges que nous souhaitons mettre au cœur des relations humaines et ce discours parle à un public de plus en plus nombreux. Ces deux dimensions, la lutte contre la solitude et la lutte contre les préjugés ont trouvé un fort écho auprès des partenaires qui nous soutiennent. Et comme Le Hang’ART ou l’association Stand’UP, en charge de l’animation, n’ont pas pour ambition de fonctionner seuls, mais bien au contraire de fédérer toutes les bonnes volontés, nous soutenir a paru évident pour beaucoup.